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Laque N°20 - 72 X 72 cm - Gomme laque et pigments. Travail sur papier calque.

HIROSHIGE - Estampe (19 è) "Le Mont Fuji vu des marais". HIROSHIGE - Estampe (19 è) "Le Mont Fuji vu des marais". Hiroshige traduit particulièrement bien cette façon d'être au monde. Par exemple, dans ses croquis de lacs*, dans lesquels, avec quelques coups de crayon, on sent presque le vent léger
qui fait se balancer nonchalamment les grandes herbes, et frémir légèrement la surface de
l'eau. Je perçois ses croquis -- et l'art de tous ces maîtres japonais de l'estampe du 19è s.--
comme un art de la sérénité, qui traduit dans le même espace l'éphémère et l'immuable.
Les herbes folles et le Mont Fuji.

Laque N°20.

Cliquez dans le tableau pour l'agrandir.

Ma laque N°20 par exemple est une de mes créations la plus évidemment japonaise.

Bien qu'elle semble très simple en apparence, elle est aussi une de celle qui m'a demandé le plus de réflexion.
J'avais réalisé la gomme-laque vert eau jusqu'au point de couleur que je sentais, que je ressentais, que j'aimais. Mais je n'arrivais pas à finaliser l'expression que je voulais donner au tableau.
L'idée de départ ne me convenait pas, ou plus.
Et ça bataillait dur dans ma tête, au point qu'à un moment donné je me suis dit qu'il lui fallait du temps pour naître. Et j'ai laissé le tableau, posé dans mon atelier, face jade vers moi, pendant des mois, voire plus d'une année, en me disant qu'il me parlerait quand il aurait quelque chose à me dire.
Et je l'ai laissé tranquille.
Mon regard se posait sur lui à chaque fois que je rentrais dans la pièce. Mais j'attendais qu'il me parle. Et il est resté très longtemps silencieux.
Petit à petit, des sources d'inspiration -- toujours japonaises -- mais très différentes les unes des autres, ont fait leur chemin en moi.
Tout d'abord, cette couleur vert-eau, jade, céladon -- on l'appelle comme on la ressent --.
C'est une couleur à la fois très douce, et très présente, avec beaucoup de personnalité. Car elle est différente. Ce n'est pas une couleur facile, ni anodine comme on pourrait le penser. Le tableau final devait donc exprimer cela.

Et puis.
J'aime beaucoup Hiroshige, et particulièrement ses croquis de nature. Le calme qui s'en dégage, la douceur de ses bords de lac, ces grandes herbes indolentes, ses horizons fondus, la peau de ses eaux calmes.

C'est une philosophie de vie en soi. Je voulais aussi, à ma façon, lui rendre hommage.

Enfin, un jour où je feuilletais un ouvrage sur l'artisanat japonais, je suis arrivée à une page où l'on présentait un potier renommé. Il était pris en photo devant un mur couvert de minuscules étagères qui portaient chacune un bol ou un vase qu'il avait créé. La diversité de ses créations était époustouflante. Mais j'ai été immédiatement et irrémédiablement attirée par un petit objet, dont je ne me rappelle plus la fonction, mais dont je me rappelle très précisément les couleurs: turquoise et orange. Des couleurs très vives. Ces deux couleurs étaient organisées en motifs floraux je crois. Et là, immédiatement, mon imagination s'est mise à galoper. Ces deux couleurs ont provoqué en moi un maelström de formes, de lignes, d'harmonies de couleurs et, comme souvent, tout à coup, j'ai vu le tableau devant mes yeux.

Ca y est ! Le tableau était né dans ma tête : sur ce carré jade, j'allais poser deux lignes légèrement arquées, l'une turquoise, l'autre orange, qui s'échapperaient de la délimitation stricte du carré jade, pour la liberté, la nonchalance, et qui se croiseraient, mais pas en leur centre, pour conserver un déséquilibre salutaire. Le tout représentant dans ma tête une impression de délicatesse, de sérénité, de nature aussi. Mais de force. De force tranquille. Je sais où je suis, je sais qui je suis, et je n'ai pas besoin d'en faire trop pour que les autres sachent que j'existe.
Et la laque N°20 est née.
Toutes mes influences s'y retrouvaient. Mais le tableau était né lui, et se démarquait de toutes ces influences parce qu'il avait sa personnalité propre.